L’appel avait été lancé par Françoise Gachet. Il fallait des cheveux pour absorber l’huile. Certains ont trouvé cela poilant, mais il n’a pas fallu longtemps pour que l’annonce soit relayée et très vite, les Mauriciens étaient de mèche pour sauver notre lagon et nos plages. L’appel a même par la suite été entendu à l’étranger. En une semaine, des crinières se sont raccourcies et plusieurs tonnes de cheveux ont été récoltées et attendent d’être acheminés vers Maurice. Cependant, les autorités estiment que cette idée est tirée par les cheveux. Ont-elles raison ? Se coupe-t-on les cheveux en quatre ?
Selon une déclaration de Françoise Gachet, l’instigatrice de ce projet à Maurice, le cheveu servira à nettoyer l’eau une fois l’huile «épaisse» enlevée. «C’est une bonne solution lors de la deuxième ou troisième phase», a-t-elle déclaré aux journalistes de Loopsider, média français en ligne. Plusieurs sites confirment par ailleurs que le poil qui recouvre le crâne humain peut absorber les résidus d’huile des océans dans le sillage d’une marée noire. D’ailleurs, la technique a épargné bien des cheveux blancs aux Mexicains en 2010, suite à la marée noire causée par le Deepwater Horizon. Des boudins de cheveux avaient été fabriqués et n’ont laissé aucun doute sur leur efficacité.
Par ailleurs, Françoise Gachet affirme que localement, des essais ont été effectués. Et ils sont concluants. «Ça marche. Ça marche très bien.» Son équipe travaille sur des documents officiels avec des experts étrangers qui connaissent bien le dossier. Le but : prouver aux autorités et autres experts que la technique est fiable. Jusqu’ici, Françoise Gachet et son équipe ont déjà fabriqué 10 000 tonnes de boudins de cheveux.
Mais au niveau des autorités, c’est le scepticisme qui prime, tel un cheveu sur la soupe. Selon Naveena Ramyad, chief whip du gouvernement, les boudins de cheveux n’ont pas encore été placés dans nos lagons. Selon elle, lors d’une séance de travail, l’«UN Marine Expert» a affirmé que les cheveux ne seront pas efficaces s’ils ne sont pas traités. «Il y a une manière d’utiliser les cheveux en cas de besoin.»
Teena Jutton, Parliamentary Private Secretary rattachée aux circonscriptions nos11 et 12, soit Vieux-Grand-Port–Rose-Belle et Mahébourg–Plaine- Magnien, tient le même discours. Selon les experts, dit celle qui a brushing impeccable, la méthode n’est pas efficace. «Nous apprécions la mobilisation des volontaires, et il faut savoir comment aider efficacement. C’est pour cela que les directives des experts sont importantes.» Quant au ministre Stephan Toussaint et sa belle queue de cheval, il avance un autre argument. «Il se peut qu’il y ait des maladies dans les cheveux. Si le boudin se casse et le contenu se répand, cette maladie peut contaminer les mangliers ou affecter la vie marine.» Scénario catastrophe qui fera que nous allons encore «ras tou sévé lor nou latet». Et si Stephan Toussaint n’a pas fait don d’une partie de sa chevelure bien garnie, c’est «pour des raisons personnelles».
Cependant, un autre expert n’est pas du même avis. «À ma connaissance, aucune maladie ne peut se transmettre de l’humain aux autres espèces. Du moins, pas aux espèces endémiques dont nous nous occupons à la MauritiusWildlife Foundation», avance Vikash Tatayah, le directeur de conservation au sein de la MaurtiusWildlife Foundation. Organisme qui n’aime pas lorsqu’on touche ne serait-ce qu’à un seul cheveu de la faune ou de la flore. «Mais effectivement, si le boudin se casse, cela peut poser problème car le cheveu prend beaucoup de temps à se dégrader», précise-t-il.
Françoise Gachet renchérit qu’il a déjà été établi que la toxicité des cheveux est minime, et elle n’hésite pas à faire référence à son experte à elle. «Lisa Gauthier, de matteroftrust.org, est une experte qui compte 20 ans d’expertise en nettoyage d’huile avec les boudins de cheveux.» Puis, il y a Sustainable Salons, spécialisés en «hair booms» depuis cinq ans, qui sont disposés à envoyer 1 000 bousins à Maurice gratuitement. Quant à l’association Coiffeurs Justes de France, elle a proposé d’envoyer 20 tonnes de cheveux avec des certificats attestant que les normes sanitaires ont été respectées.
Quoi qu’il en soit, la mobilisation des volontaires elle est au poil. L’ONG Capillium, spécialisée dans le recyclage de cheveux, a déjà récolté plusieurs tonnes de «résidus» capillaires. Des reportages sur TF1 et BFM TV confirment qu’un kilo de cheveux peut absorber huit litres d’huile. À vendredi dernier, 20 tonnes de cheveux avaient été récoltées et attendaient l’aval des autorités françaises avant d’être acheminées à Maurice.
En attendant, les «experts» peuvent bien continuer à se crêper le chignon.
August 17, 2020
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Naufrage du «Wakashio»: une technique loin d’être tirée par les cheveux… - L'express Maurice
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